Dans cette uchronie, les tensions entre le Yémen du Nord et le Yémen du Sud atteignent leur paroxysme à partir du début des années 1970, exacerbées par des divergences idéologiques profondes : le Nord, dirigé par un régime républicain nationaliste et panarabe, cherche à imposer une unification sous la bannière de l’idéologie arabe unifiée, tandis que le Sud, sous un gouvernement marxiste-léniniste soutenu par l'Union soviétique, se bat pour préserver son indépendance socialiste et ses liens avec le bloc communiste. Ce climat de rivalité idéologique et politique se transforme rapidement en conflit militaire ouvert, initié par l'attaque du Yémen du Nord en 1973, qui déclenche une guerre dévastatrice pour la domination sur la péninsule arabique.
La République arabe du Yémen (Yémen du Nord)[]
La République arabe du Yémen, ou Yémen du Nord, a vu le jour en 1962 après une révolution qui renversa le dernier imam zaydi, Mohammad al-Badr, et établit un régime républicain. Cette révolution, soutenue par l’Égypte de Gamal Abdel Nasser, marque un tournant radical dans l’histoire du Yémen. Avant 1962, le Yémen du Nord était un royaume théocratique dirigé par des imams zaydites, dont le pouvoir s’étendait sur le Haut-Yémen, mais qui était souvent affaibli par des rivalités internes et des incursions extérieures.
L’intervention égyptienne, motivée par l'idéologie nassériste, donna naissance à une guerre civile, opposant les républicains soutenus par l’Égypte à l’armée royaliste fidèle à l’imam al-Badr. Ce conflit dura jusqu’en 1970, avec l’aide de l’Égypte qui envoya des centaines de milliers de soldats pour soutenir les républicains. Après la fin de la guerre civile, les républicains réussirent à stabiliser le pays, mais sous un régime autoritaire.
Sous la présidence d'Ahmed al-Ghashmi (qui prendra la tête du pays après 1974), le Yémen du Nord se dirige vers une orientation panarabe, cherchant à se rapprocher des régimes nationalistes arabes, notamment l’Égypte et la Libye. Cette politique était soutenue par les idéaux nasséristes et, plus tard, par ceux de Muammar Kadhafi, qui voulaient renforcer l'unité arabe face à l'influence occidentale. Le Yémen du Nord, tout en conservant un système républicain, adopte un modèle économique et politique relativement centralisé, mais marqué par une grande instabilité, la corruption et des tensions internes.
Le Yémen du Nord bénéficiait du soutien de puissances arabes et occidentales, mais son économie restait principalement agricole et faiblement industrialisée. Sa position géopolitique, à la fois proche de l’Arabie saoudite et du Golfe Persique, était stratégique, et son régime cherchait à se renforcer en s'alignant sur les mouvements panarabistes, tout en s'opposant fermement aux influences communistes dans la région.

Carte du Nord Yémen
La République Démocratique Populaire du Yémen (Yémen du Sud)[]
Le Yémen du Sud, ou République Démocratique Populaire du Yémen (RDPY), est un pays marqué par son histoire coloniale britannique. Le Sud du Yémen fut un protectorat britannique pendant plus d'un siècle, à partir de 1839, avec un territoire qui comprenait la région autour d'Aden, un important port commercial. Les Britanniques cherchaient à contrôler cette région stratégique en raison de son rôle dans le commerce des routes maritimes entre l’Asie et l’Afrique, et en particulier pour son accès à la mer Rouge et au Golfe d’Aden.
Le processus de décolonisation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a abouti à l’indépendance du Yémen du Sud en 1967, après une série de soulèvements nationalistes et de luttes contre la présence britannique. L’indépendance fut marquée par la fondation de la République Populaire du Yémen, un État socialiste de tendance marxiste-léniniste, soutenu par l'Union soviétique et les autres régimes du bloc communiste. Après l'indépendance, le pays fut marqué par une période de grande instabilité politique, caractérisée par des luttes internes entre différentes factions du mouvement nationaliste, en particulier entre le Front de Libération du Sud Yéménite (FLOSY) et le Parti socialiste yéménite (PSY), plus radical et aligné sur les idéaux soviétiques.
La victoire du PSY en 1970 aboutit à la création de la République Démocratique Populaire du Yémen. Sous la direction de leaders comme Ali Nasir Muhammad et Salem Rubaya Ali, le Yémen du Sud adopta un système socialiste rigide, avec une forte influence de l'URSS, et la nationalisation des terres et des industries. Le pays se dota d’un modèle économique centralisé, fondé sur l’économie planifiée et l’aide soviétique.
Le Yémen du Sud chercha à se distancer de ses voisins arabes, souvent jugés trop conservateurs ou réactionnaires, et à se rapprocher des régimes socialistes. Toutefois, le pays faisait face à une forte instabilité interne, avec des rébellions tribales et des tensions internes entre les différentes factions du PSY. Le Yémen du Sud se caractérisait par une situation politique et économique difficile, et sa relation avec les pays voisins était marquée par des rivalités, notamment avec le Yémen du Nord, qui restait fortement influencé par le panarabisme.

Carte du Sud Yémen
Le Conflit de 1973 à 1978 : La guerre entre le Yémen du Nord et le Yémen du Sud[]
Le conflit entre les deux Yémen débute en 1973 dans un contexte de tensions croissantes entre les deux régimes, qui étaient idéologiquement opposés. Le Yémen du Nord, sous la présidence d'Ahmed al-Ghashmi, décide d’initier un conflit pour tenter d’unifier le pays sous une seule bannière panarabe, conformément aux idéaux nasséristes et khadaffistes. L’idée d’une unification du Yémen sous un gouvernement républicain et arabe était fortement soutenue par les régimes panarabes, en particulier la Libye de Kadhafi, qui voyait dans ce conflit une chance de renforcer l'unité arabe.
De l'autre côté, le Yémen du Sud, dirigé par un gouvernement marxiste-léniniste, s'opposait fermement à toute tentative de réunification sous un régime panarabe, préférant maintenir son indépendance et son orientation socialiste. Le Sud était soutenu par l'Union soviétique, qui fournissait des armes et une aide militaire pour contrer l'agression du Nord.
Le conflit éclate en 1973 avec une série d'attaques menées par les forces du Yémen du Nord contre le Sud. Les premières offensives du Nord, bien que réussies sur le court terme, se heurtent rapidement à une résistance féroce de l'armée sudiste, équipée d’armements modernes fournis par les Soviétiques. À partir de 1975, la situation bascule en faveur du Yémen du Sud, grâce à une meilleure organisation militaire et des renforts soviétiques. Les forces sudistes, désormais mieux équipées et soutenues par des conseillers militaires soviétiques, réussissent à repousser les offensives nordistes.
À partir de 1975, les batailles principales se déroulent dans les montagnes du nord du pays, où les forces du Yémen du Sud, en dépit de leur nombre inférieur, utilisent des tactiques de guérilla et des frappes ciblées pour affaiblir l'armée nordiste. Les Soviétiques envoient des conseillers militaires et fournissent des armes modernes, y compris des missiles antichars et des systèmes de défense aérienne, qui permettent aux Sudistes de prendre l'ascendant.
Le tournant décisif survient en 1978, lorsque les forces du Sud parviennent à prendre Sanaa, la capitale du Yémen du Nord, après une série de batailles féroces. La prise de Sanaa est un coup fatal pour le gouvernement nordiste, qui s’effondre sous la pression des victoires sudistes et de l’épuisement des forces du Nord.
Unification sous la bannière communiste[]
En 1978, après la chute de Sanaa, les dirigeants du Yémen du Sud annoncent la fin de la guerre et l’unification des deux Yémen sous la bannière du communisme. Le Yémen tout entier devient ainsi une république socialiste, dirigée par le Parti socialiste yéménite (PSY), et les structures politiques du Yémen du Nord sont réorganisées pour correspondre aux principes marxistes-léninistes du Sud.
Les premières années de l'unification sont marquées par un processus de « socialisation » des anciennes structures économiques et politiques du Yémen du Nord. Les grandes entreprises et les terres privées sont nationalisées, et un système économique centralisé est instauré. Cependant, l'intégration des structures politiques et administratives du Nord dans le cadre socialiste se heurte à des résistances internes, notamment au sein de la population qui reste attachée à son identité arabe et républicaine.
Le gouvernement communiste met en place des réformes économiques radicales, mais rencontre des difficultés majeures, en partie dues à la pauvreté persistante et aux divisions internes. Le pays est aussi confronté à des tensions tribales, surtout dans les zones montagneuses du Nord, où les anciennes structures sociales et politiques ont survécu à la modernisation imposée par le régime socialiste.
Effondrement de l'URSS et Transition vers la République du Yémen[]
Dans les années 1980, l’URSS fournit encore un soutien crucial au Yémen, mais le pays reste économiquement fragile. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 entraîne un bouleversement majeur pour le Yémen. L’aide soviétique cesse, et le pays se retrouve confronté à une situation de crise économique et politique. Le modèle socialiste montre ses limites, avec des inégalités croissantes, une économie inefficace et une instabilité politique persistante.
Dans ce contexte, le Yémen cherche à se réinventer. Les dirigeants du pays décident de mener une transition vers un système multipartite, renonçant au marxisme-léninisme et adoptant un modèle économique plus libéral. Le pays entame une série de réformes, cherchant à intégrer l’économie de marché tout en conservant certaines caractéristiques du système socialiste. En 1992, une nouvelle constitution est adoptée, marquant la fin de l'ère communiste et le début de l'ère républicaine. Le pays devient la République du Yémen, avec un nouveau système politique démocratique et une économie de marché.
La transition est complexe et douloureuse, marquée par des luttes politiques internes, des tensions sociales et des conflits entre les anciennes élites du Nord et du Sud. Néanmoins, la fin du régime socialiste et la création de la République du Yémen ouvrent une nouvelle ère pour le pays, avec l’espoir de surmonter ses divisions internes et de bâtir un futur plus stable et prospère, tout en faisant face à une intégration difficile dans le monde globalisé.