Empire ottoman : La défaite et la partition[]
En 1914, l'Empire ottoman, allié des Puissances centrales dans la Première Guerre mondiale, se lance dans un conflit qui va finalement précipiter sa chute. Dans cette uchronie, malgré une résistance farouche sur plusieurs fronts, l'Empire ottoman est incapable de repousser l'armada des Alliés. Leurs armées, notamment britanniques, françaises, et russes, font face à un Empire déjà affaibli par des années de réformes avortées et des tensions internes. La défaite ottomane entraîne une partition rapide et définitive du territoire, redessinant la carte du Moyen-Orient et de l'Anatolie, marquée par l'effondrement de l'ordre impérial.
La partition de l'Empire ottoman[]
Les zones d'influence des Alliés[]

Partition de l'Empire ottoman en 1918
L'Italie et le Sud-Ouest de l'Anatolie[]
L'Italie, qui avait été incluse dans le camp des Alliés par le traité de Londres, reçoit en compensation des territoires ottomans. Elle prend le contrôle des régions côtières du sud-ouest de l'Anatolie, notamment autour de la baie d'Antalyaet Izmir. Ces zones sont annexées et deviennent des colonies italiennes après la fin du conflit. Les Italiens, animés par une volonté de colonisation, envoient des milliers de colons italiens dans ces régions, pour établir une présence durable. Ces territoires, riches en ressources agricoles et en paysages pittoresques, deviennent un centre d’intérêt pour les Européens, en particulier pour le tourisme et le commerce méditerranéen. Néanmoins, cette occupation engendre des tensions entre les Grecs, les Turcs et les Italiens, la région restant un foyer de contestation.
La Grèce et la prise de l'Ouest de l'Anatolie[]
La Grèce, soutenue par les Alliés et encouragée par ses communautés grecques orientales, entreprend une avancée rapide en Anatolie après la défaite ottomane. Istanbul tombe sous son contrôle, et l'Empire grec commence à se constituer sous la direction de Venizélos, cherchant à établir une « Grande Grèce » qui s’étend de la mer Égée jusqu'aux rives du Bosphore. Le Greco-Turc mélange ethnique et culturel, mais aussi stratégique, devient une priorité pour la Grèce. Des milliers de Grecs orientaux, mais aussi d'Arméniens fuyant les persécutions turques, se réfugient dans les zones sous domination grecque. Les Grecs, qui revendiquent aussi Smyrne, obtiennent des territoires stratégiques le long des côtes anatoliennes, marquant ainsi une victoire géopolitique majeure.
Le Royaume-Uni et ses vastes acquisitions[]
Le Royaume-Uni, après sa victoire, prend le contrôle de plusieurs territoires d'importance stratégique, notamment la Palestine, la Jordanie, l'Irak et le Yémen, conformément aux promesses faites aux Arabes durant la révolte arabe de 1916. La Palestine et la Jordanie sont placées sous mandat britannique, assurant à Londres une mainmise sur des routes commerciales essentielles, notamment celles menant à l'Inde. L'Irak, riche en pétrole, devient un centre d'intérêt majeur pour les Britanniques qui l'administeront directement, notamment à partir de la ville de Bagdad, qu’ils transforment en un centre administratif important. Le Yémen est également intégré, renforçant le contrôle britannique sur les voies maritimes de la mer Rouge.
La France et ses protectorats[]
Dans le cadre des accords de Sykes-Picot, la France obtient plusieurs territoires du Levant. Le Protectorat français est établi dans des régions clés, où la France cherche à garantir sa présence et son influence dans la région. Parmi ces territoires, certains seront plus tard marqués par une forte implication de la population locale, notamment les Arméniens, qui joueront un rôle central dans la construction d'une nouvelle identité nationale.
Le Protectorat français d'Arménie cilicienne
La Cilicie, au sud de l'Anatolie, devient un terreau fertile pour une nouvelle émigration arménienne, fuyant les atrocités du génocide arménien orchestré par l’Empire ottoman. Avec le soutien de la France, un protectorat est institué en Cilicie pour offrir un refuge aux Arméniens et donner à la France un avant-poste stratégique en Méditerranée. Mersin, port vital sur la côte méditerranéenne, devient le centre administratif du protectorat.
Après la guerre et la défaite turque, une partie importante de la diaspora arménienne se regroupe en Cilicie, profitant de l'infrastructure et de l'ordre établis par les autorités françaises. Les Arméniens, fuyant les persécutions, trouvent refuge dans cette région prospère où la France leur accorde une certaine autonomie. Les Arméniens, bien que sous contrôle français, jouent un rôle clé dans la gestion du territoire, notamment dans l’administration locale et la gestion des affaires économiques. L’Église arménienne catholique, soutenue par la France, devient un point d'ancrage de cette cohabitation, la religion catholique se diffusant parmi une partie de la population.
Le Protectorat français d'Alep
Alep, une des plus anciennes villes du monde, devient un centre stratégique sous contrôle français après la défaite ottomane. Située dans le nord de la Syrie, Alep représente un carrefour commercial important entre l'Orient et l'Occident. Ce territoire est placé sous la tutelle française pour stabiliser la région et contrôler les routes commerciales, tout en intégrant des populations diverses, notamment arabes et kurdes. Les autorités françaises investissent dans le développement économique et urbain, favorisant une atmosphère cosmopolite. Alep devient également un centre culturel et éducatif sous l’influence française, avec la construction d'écoles et d'instituts offrant un enseignement moderne.
L'État de Damas et l'État d'Alep
La France divise la Syrie en deux zones sous son contrôle : l'État de Damas, comprenant la capitale et ses alentours, et l'État d'Alep, dans le nord. Ces deux entités sont administrées séparément mais restent sous la souveraineté française. Les autorités françaises favorisent l’instauration de gouvernements locaux dans ces zones, avec un contrôle direct sur les affaires militaires et diplomatiques. Cette division permet à la France de maintenir une stabilité relative dans la région tout en surveillant les tensions internes, notamment celles liées aux nationalismes arabes et aux conflits religieux.
Le Territoire des Alaouites
Le Territoire des Alaouites (anciennement appelé Alawite State), une zone côtière syrienne peuplée principalement par des Alaouites, est également placée sous contrôle français. Ce groupe, associé au régime syrien moderne, reçoit un soutien particulier de la part de la France, qui cherche à renforcer sa présence en Méditerranée orientale. La France mise sur cette zone stratégique, notamment pour ses ressources maritimes et ses ports. Ce territoire sert aussi de base pour la Marin française en Méditerranée, et les Alaouites, tout en conservant un certain contrôle local, se trouvent placés sous l'influence de la France.
L'Etat des Druzes
L'État des Druzes, créé sous protectorat français en 1920 dans la région du Mont Liban, regroupe principalement les communautés druzes vivant sur les hauteurs du Liban et de la Syrie. Cet État bénéficie d'une autonomie relative au sein du Mandat français, avec des institutions locales dirigées par des chefs druzes, tout en étant placé sous la protection de la France. L'État des Druzes disparaît progressivement dans les années 1930, son territoire étant intégré à la Syrie, mais il laisse un héritage de stabilité et de gouvernance communautaire.
Le Grand Liban
Le Grand Liban est formé par la France après la Première Guerre mondiale, regroupant les régions du Liban actuel ainsi que certaines parties de la Syrie. Le Liban, avec sa diversité religieuse et ethnique, devient un mandat français à part entière. Les autorités françaises encouragent la coexistence des différentes communautés (maronites, sunnites, chiites, druzes), tout en renforçant leur contrôle administratif. Beyrouth devient la capitale du Grand Liban et un centre dynamique d'activités économiques et culturelles. La France y instaure une administration plus centralisée et veille à l’équilibre politique entre les communautés, tout en introduisant un modèle d’éducation et de culture francophile.
Le Protectorat français de Cappadoce[]
À l’intérieur des terres, dans la région centrale de l’Anatolie, la Cappadoce est également placée sous influence française, principalement pour éviter des révoltes turques dans cette zone stratégique. Les Kurdes et Turcs qui occupent la région sont sous la surveillance des autorités françaises, avec des garnisons françaises installées dans des villes comme Kayseriet Nevşehir. Bien que la région soit moins peuplée d'Arméniens, les autorités françaises prennent des mesures pour éviter tout soulèvement et maintenir l’ordre.
Le Protectorat français du Kurdistan occidental[]
La région kurde située à l’est de l’Anatolie tombe également sous contrôle français. Les Kurdes, traditionnellement sceptiques vis-à-vis des puissances coloniales, voient dans l’occupation française une possibilité d’acquérir plus d'autonomie. La France, tout en exerçant un contrôle sur les affaires militaires et diplomatiques, soutient les revendications kurdes pour plus de droits et de représentation au sein du gouvernement. Ce protectorat permet de garantir une stabilité régionale tout en intégrant les Kurdes dans l'effort de reconstruction du territoire.
La République démocratique arménienne[]
Après la fin de la Première Guerre mondiale, une partie de l’Empire ottoman est occupée par les forces arméniennes, qui forment la République démocratique arménienne (RDA) en 1918. Cette république s’étend sur le nord-est de l’Anatolie et inclut une part de l'Arménie historique de la Transcaucasie, que les forces russes avaient déjà occupée. Mais la RDA ne survivra pas longtemps. En 1920, elle fait face à la pression des forces bolchéviques en provenance de l'Union soviétique, qui l’envahissent. La RDA est finalement submergée par l'armée bolchévique et la région devient partie intégrante de la République socialiste soviétique d'Arménie en 1923.
La création du Protectorat français du Kurdistan oriental[]
1. La résistance kurde et le soutien français[]
Après la Première Guerre mondiale, la région kurde se retrouve divisée entre les nouveaux États créés par les puissances européennes : la Turquie, l'Iran et la Syrie, avec des populations kurdes éparpillées entre ces pays. Cependant, les Kurdes ne se résignent pas à ce découpage arbitraire. Le Mouvement national kurde, déjà actif pendant la guerre, gagne en force à la fin du conflit.
Les Kurdes sont considérés par la France comme un atout stratégique dans le cadre de ses ambitions au Moyen-Orient, notamment pour contrer l'influence britannique et turque dans la région. Les Français ont en effet longtemps entretenu des relations avec des groupes kurdes, en particulier en Syrie et au Liban, et ils décident d'exploiter cette dynamique pour assurer leur présence dans la région. Le Protectorat français du Kurdistan oriental est donc établi sur la partie kurde de l'Empire ottoman, qui couvre le nord de la Syrie, l'Irak et une petite portion du sud-est de la Turquie, englobant des villes kurdes importantes comme Diyarbakir, Van, et Erbil.
2. La gouvernance française et kurde[]
La gestion du Kurdistan oriental par les Français est un mélange complexe de gouvernance coloniale et de co-gouvernance avec les Kurdes locaux. L’administration française, dirigée depuis Damas (capitale du Mandat français en Syrie), est constituée principalement de fonctionnaires français, mais elle laisse une grande autonomie aux élites kurdes locales, les encourageant à participer à la gestion des affaires locales. Les Kurdes, bien que sous domination coloniale, bénéficient d’un certain degré de contrôle sur leurs propres affaires, ce qui leur permet de développer une forme de nationalisme indépendant tout en restant sous le protectorat français.
3. Les institutions et la langue kurde[]
Sous la domination française, les Kurdes du Protectorat ont un accès privilégié à l'éducation, aux institutions administratives et à une presse kurde qui se développe sous la protection des Français. La langue kurde, longtemps réprimée par les Ottomans, devient un symbole d'identité et de résistance. De nombreuses écoles kurdes sont créées, et les Français encouragent une forme de culture kurde distincte, mais dans un cadre où l’influence française reste forte. Cette coexistence complexe entre la culture locale kurde et l’influence française, notamment à travers le catholicisme et les valeurs républicaines, va former le socle du nationalisme kurde dans cette région.
Les Kurdes, qui profitent de cette situation, deviennent progressivement plus influents dans la politique du protectorat. Les autorités françaises, tout en assurant leur contrôle, favorisent aussi le développement économique et l'intégration du Kurdistan oriental dans le reste de l'Empire français, particulièrement à travers des infrastructures de transport et des projets d'exploitation des ressources naturelles.
Les tensions internes et les rivalités régionales[]
1. La montée du nationalisme kurde[]
Le nationalisme kurde connaît une ascension notable pendant l’entre-deux-guerres, à mesure que la jeunesse kurde, éduquée par les Français et influencée par les idées républicaines et socialistes, commence à réclamer une plus grande autonomie et même l'indépendance. Les Kurdes sont particulièrement sensibles aux événements qui se déroulent dans les autres parties du monde : la fin de l'Empire russe et la montée des révolutions en Russie, ainsi que les mouvements de décolonisation qui secouent l’Europe et le Moyen-Orient.
Les Kurdes, bien qu'éparpillés entre plusieurs États, commencent à s'organiser en mouvements politiques et en groupes armés. Un de leurs grands leaders dans cette période est Seyit Riza, un chef kurde influent, qui s’illustre en tant que défenseur des droits kurdes et qui réclame l’autonomie complète du Kurdistan oriental sous domination française.
2. Les tensions avec les voisins[]
Les autorités turques, irakiennes et iraniennes sont réticentes à l’idée d’un Kurdistan indépendant ou même d’un Kurdistan autonome au sein du Mandat français. À la fin des années 1930, le gouvernement turc, sous Mustafa Kemal Atatürk, multiplie les pressions sur les Français pour éviter que le nationalisme kurde ne s’étende à ses propres régions kurdes. En réponse, la France commence à réprimer les mouvements indépendantistes kurdes, mais sans jamais complètement éliminer la question kurde.
Le Kurdistan occidental (côté turc) et le Kurdistan irakien sont régulièrement secoués par des révoltes, et la présence française, bien que relativement stable, reste marquée par des tensions persistantes avec ces deux puissances. Les Kurdes du Protectorat français, bien que bénéficiant de certaines libertés, doivent naviguer dans un contexte complexe où les ambitions régionales des autres puissances sont omniprésentes.
Le Protectorat français du Kurdistan oriental après la Seconde Guerre mondiale : La naissance de la République du Kurdistan[]

Drapeau de la République du Kurdistan
1. La Seconde Guerre mondiale et la transition vers l'indépendance[]
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la situation géopolitique du Moyen-Orient change radicalement. La France, occupée par l'Allemagne nazie, voit son autorité dans ses colonies et mandats fortement affaiblie. Cette situation permet aux Kurdes de gagner en influence, soutenus par des puissances extérieures, notamment l'Union soviétique, qui cherche à s’allier avec les nationalistes kurdes pour déstabiliser la région.
Après la guerre, alors que la France se remet lentement de l'occupation allemande et que les mouvements indépendantistes secouent son empire colonial, le Protectorat français du Kurdistan oriental devient un point focal de l’aspiration nationale kurde. Les Kurdes réclament un État autonome, voire indépendant. En 1945, après des négociations difficiles avec les autorités françaises, le Protectorat du Kurdistan oriental se transforme en République du Kurdistan, un État indépendant.
2. Les premières années de la République du Kurdistan[]
La République du Kurdistan, proclamée en 1945, s’étend sur une grande partie du Kurdistan oriental, avec ses frontières englobant des zones au sud-est de la Turquie, au nord de l’Irak et au nord-ouest de l’Iran. Son gouvernement est initialement soutenu par des partis kurdes socialistes, mais avec un large soutien populaire de l’ensemble de la communauté kurde. Le pays adopte une constitution républicaine, mais une série de défis internes (la gestion des différentes factions kurdes, les conflits avec les pays voisins, etc.) secoue la jeune république.
Au fil des décennies, la République du Kurdistan devient un acteur majeur dans la politique du Moyen-Orient, un symbole de résistance et d’autonomie pour les Kurdes. Le pays développe une économie stable et moderne, mais se trouve constamment sous la pression de ses voisins, notamment la Turquie et l’Iran, qui ne reconnaissent pas ses frontières et cherchent à freiner l’idée d’un Kurdistan indépendant.
Le Protectorat français du Kurdistan oriental devient donc un catalyseur pour le nationalisme kurde. Sous la gouvernance française, les Kurdes trouvent un refuge pour leurs aspirations, mais l’indépendance ne viendra qu’après un long combat, tant interne qu’externe. La République du Kurdistan, née après la Seconde Guerre mondiale, représente l'aboutissement de décennies de lutte, marquant une étape importante dans l’histoire de la région et l’affirmation d’une identité kurde indépendante.